Homélie du 17e dimanche après la Pentecôte (15 septembre 2024)
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Lecture thomiste de l’épître (Ép 4, 1-6)
- Conserver l’unité de l’Église
- Principes
Saint Paul exhorte les Éphésiens à conserver l’unité de l’Église parce qu’ils ont reçu tant de bienfaits de Dieu. L’apôtre pourrait leur commander mais ne le fait pas par humilité, préférant les en prier et supplier comme un pauvre (cf. Pr 18, 23) qui les aime car l’amour porte plus à agir que la crainte. Il avait agi de même envers Philémon : « certes, j’ai dans le Christ toute liberté de parole pour te prescrire ce qu’il faut faire, mais je préfère t’adresser une demande au nom de la charité : moi, Paul, tel que je suis, un vieil homme et, qui plus est, prisonnier maintenant à cause du Christ Jésus » (Phm 1, 8). Pourquoi rappelle-t-il sa condition de prisonnier enchaîné ? Normalement, un ami compatit davantage quand son alter ego est affligé, redoublant d’efforts pour le consoler : « dans le bonheur on ne peut pas reconnaître l’ami, dans le malheur l’ennemi ne sera plus masqué » (Sir 12, 8). Puisque saint Paul portait ces chaînes pour eux, le leur remémorant, il leur créait une sorte d’obligation : « quand nous sommes dans la détresse, c’est pour que vous obteniez le réconfort et le salut » (2 Co 1, 6). Ces tribulations (être chargé de chaînes pour Dieu, alors qu’on n’est ni voleur ni homicide (cf. Ez 3, 25)) étaient à leur gloire puisque Dieu éprouvait pour eux ses élus afin de préparer leur salut.
Saint Paul les engage à se conduire d’une manière qui soit digne de leur vocation (cf. Col 1, 10, Ph 1, 27). Nous sommes appelés à être les concitoyens des saints et les serviteurs de Dieu (cf. Ép 2, 19). Il ne convient donc pas de s’adonner à des soins terrestres en s’inquiétant des choses du monde. « Vous êtes une descendance choisie, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple destiné au salut, pour que vous annonciez les merveilles de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière » (1 P 2, 9).
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- Recommandations pour se conduire dignement
Saint Paul leur enseigne ensuite quatre vertus en condamnant les vices opposés. Dieu résiste aux orgueilleux (Jc 4, 6) et les dissensions naissent quand un orgueilleux veut l’emporter alors qu’un autre refuse de s’y soumettre : « il y a toujours des querelles entre les superbes » (Pr 13, 10, Vulg.). L’humilité, extérieure et intérieure permet donc de prévenir ces contentieux, suivant le grand principe : « ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes » (Ph 2, 3) et « plus vous êtes grand, plus vous devez vous humilier en toutes choses » (Sir 3, 20, Vulg.). La colère ensuite pousse à faire injure, en paroles ou en actes. « Un homme irascible provoque la querelle, un homme patient apaise la dispute » (Pr 15, 18). L’apôtre prône donc la douceur qui apaise les querelles et conserve la paix (cf. Pr 3, 34, Vulg.) : « Mon fils, accomplissez vos œuvres dans la douceur, et vous vous attirerez non seulement l’estime mais encore l’amour des hommes » (Sir 3, 19).
Le troisième vice est l’impatience. Qui est doux et humble en soi-même, s’abstient de molester (au sens moral d’harceler) alors que le patient supporte ceux qui agissent ainsi, même chez ses ennemis : « toutes les adversités, accepte-les ; dans les revers de ta pauvre vie, sois patient » (Sir 2, 4). Elle est « nécessaire pour accomplir la volonté de Dieu et obtenir ainsi la réalisation des promesses » (Hé 10, 36). Le zèle immodéré enfin trouble la société en ne tenant compte ni des temps, ni des lieux. Supportons réciproquement les défauts les uns des autres par charité car si l’un de nos frères vient à manquer, ne le reprenons pas immédiatement (à moins que les circonstances ne soient favorables) mais « portons le fardeau » (G 6, 2) : « car la charité supporte tout » (1 Co 13, 7). Toutefois, tolérer par faiblesse, amitié ou connivence serait péché.
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- But
Toutes ces recommandations ont pour but de conserver l'unité parmi les fidèles. Éliminons une unité trop humaine pour faire le mal, soit la complicité, pour ne parler que d’une juste unité d’esprit qui faire le bien : « oui, il est bon, il est doux pour des frères de vivre ensemble et d'être unis ! » (Ps 132, 1). Le Seigneur nous enjoint de pratiquer cette unité (Jn 17, 11) pour refléter l’unité dans la Sainte-Trinité. La charité est l’union des âmes. L’unité se conserve par le lien de la paix qui est la tranquillité de l’ordre, quand chacun obtient son dû, soit la justice : « l’œuvre de la justice sera la paix, et la pratique de la justice, le calme et la sécurité pour toujours » (Is 32, 17).
Il y a dans l’homme une double unité, la première est celle des membres coordonnés entre eux, la seconde celle du corps avec l’âme. Elles permettent une troisième avec Dieu (les trois chaînons brisés par le fomes peccati). L’unité de l’Église lui est comparée de telle sorte que tous les fidèles soient disposés entre eux comme les membres ne formant qu’ « un seul corps dans le Christ » (Rom 12, 5) et partageant le même esprit en ayant qu’ « un seul cœur et une seule âme » (Ac 4, 32). Cet esprit n’est pas celui d’un parti mais l’Esprit Saint (1 Co 6, 17). Ordinairement demeurent ensemble ceux qui sont appelés à posséder au même titre et à partager mutuellement. Or, spirituellement, nous sommes appelés à une même récompense finale. Nous partageons cette même espérance de la « vocation céleste » (He 3, 1) suite à l’appel de Dieu (1 Co 1, 26) à partager les noces de l’agneau (Ap 19, 9).
- La forme de l’unité
L’Église de Dieu, semblable à une cité, a quelque chose de l’unité et de la diversité, puisqu’elle n’est pas une comme Dieu qui est simple (unité), mais unie comme un tout formé de diverses parties (union). Pour posséder l’unité, il faut un seul chef, une seule loi, une seule discipline des sacrements, une même fin, soit quatre notes de l’Église. L’Église n’a qu’un chef, ayant autorité sur toute sa maison (He 3, 6). Jésus-Christ est le seul Seigneur (Ac 2, 36), sinon naîtrait la discorde : « aucun serviteur ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre » (cf. Lc 16, 13). Sa loi est une et la loi de l’Église suit la foi (Rm 3, 27) résumée par un contenu de vérités, le Credo auquel tous les fidèles doivent adhérer par une même disposition (habitus) pour n’avoir qu’un même langage perceptible par les païens (1 Co 1, 10). Les sacrements servent de signes de ralliement, dont le baptême, porte de tous les autres. Qu’importe le ministre qui le confère car celui qui baptise intérieurement est le Christ (Jn 1, 33) au nom duquel il agit in persona Christi. Il est administré au nom d’un seul Dieu, la Sainte Trinité (Mt 28, 19) et ne peut être réitéré en raison du caractère imprimé. De plus, sa cause ne se renouvelle pas : « par le baptême qui nous unit à sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui » (Rm 6, 4), or Jésus Christ est mort « une fois pour les péchés » (1 P 3, 18). L’Église n’a qu’une même fin, un seul Dieu, car le Fils nous conduit au Père (1 Co 15, 24) de tous : « et nous, n’avons-nous pas tous un seul Père ? N’est-ce pas un seul Dieu qui nous a créés ? » (Ma 2, 10). Saint Paul exalte ensuite la grandeur de Dieu en disant qu’il est au-dessus de tous (Ps 112, 4). Il fait sentir sa puissance sur tout le créé : « tout m’a été remis par mon Père » (Mt 11, 27 ; cf. Ps 8, 7) et aussi par ceux qui ont reçu et conservé sa grâce.