Homélie du 16e dimanche après la Pentecôte (8 septembre 2024)
Pour écouter l'homélie, cliquez ici
Lecture thomiste de l’évangile (Lc 14, 1-11)
- La guérison de l’hydropique
- Un piège dénonçant la malignité de témoins malveillants
Un hydropique se présenta devant Notre Seigneur, reçu chez des pharisiens. L’hydropisie désignait l’insuffisance cardiaque congestive. En lisant dans leurs cœurs les mauvaises pensées (cardiognosie) des pharisiens, Jésus montre qu’il est Dieu puisque ce privilège lui est absolument réservé. Il acceptait de se rendre chez ses ennemis car, connaissant leur malice, il savait l’utilité de témoins de ses paroles et miracles. Les pharisiens, à l’affut pour le pendre à défaut, observaient s’il manquait à la loi en faisant une action défendue le sabbat.
Scribes et pharisiens avaient tendu un piège à Jésus sur le divorce car, incapables de comprendre le mariage rendu indissoluble par Dieu (Mt 19), ils croyaient le forcer à contredire Moïse ou à accepter la répudiation. Cette fois-ci, Jésus prit l’initiative, retournant leurs sophismes pour leur imposer le silence, en considérant quelle est la véritable volonté de Dieu. « Est-il permis de guérir le jour du sabbat ? ». Jésus les place devant un dilemme qu’ils ne peuvent résoudre « et ils gardèrent le silence ». Quelle que soit leur réponse, elle se retournera contre eux. S’il est permis de guérir le sabbat, pourquoi épier le Sauveur pour voir s’il guérira ? Et si ce n’est pas permis, pourquoi soignent-ils leurs animaux même le jour du sabbat. Il est toujours possible de faire des bonnes œuvres : un jour où l’on ne fait point de bonnes œuvres, est un jour maudit.
Jésus avait déjà comparé une maladie à un animal juste avant (Lc 13, 10-17) : « Hypocrites ! Chacun de vous, le jour du sabbat, ne détache-t-il pas de la mangeoire son bœuf ou son âne pour le mener boire ? Alors cette femme, une fille d’Abraham, que Satan avait liée voici dix-huit ans, ne fallait-il pas la délivrer de ce lien le jour du sabbat ? ». Un âne ou un bœuf sont-ils en danger, les pharisiens leur viendront en aide, au moins par avarice. Plus que l’hypocrisie, Jésus n’admet pas qu’ils considèrent leur prochain moins proche que leur bétail.
-
- La maladie
Sans se préoccuper des embûches des Juifs, Jésus guérit cet hydropique qui, par crainte n’osait le solliciter le jour du sabbat. Il se tenait seulement devant lui. Le Sauveur, touché de compassion, lui rendît la santé. Connaissant ses dispositions, il ne lui demanda pas comme à d’autres s’il voulait être guéri, mais le rétablit sans tarder : « et prenant cet homme par la main, il le guérit et le renvoya ». Jésus se moque du respect humain, du qu’en dira-t-on. Tant pis pour ceux qui se scandalisent faussement d’un rien ! C’est à dessein que Jésus guérit cet hydropique devant les pharisiens, parce que l’infirmité corporelle de l’un était la figure de la maladie intérieure des autres qu’est le péché.
Le puits coinçant l’animal évoque cette maladie provoquant des œdèmes, accumulations d’eau alourdissant cœur et poumons. Certains voient dans l’hydropisie un symbole de libido, d’autres d’un riche avare. Plus le liquide épanché abonde, plus il est dévoré par la soif comme l’avare dont augmentent les richesses voit ses désirs s’enflammer d’autant plus. Mais l’âne et le bœuf dans ces deux miracles évoquent, comme à la crèche, les sages et les insensés, ou les deux peuples, le juif accablé sous le joug de la loi, et le Gentil pas encore dompté par aucune loi. Notre Seigneur les a tous retirés du puits de la concupiscence où ils étaient tombés.
- Ne pas rechercher les places d’honneur
- L’humble rend honneur à Dieu qui sonde les reins et les cœurs
Jésus commande la modestie, de rechercher les dernières places. L’éloge de l’humilité suit, qui défend de choisir les premières places dans les repas de noces. Aller au-devant d’honneurs indus, c’est faire preuve de témérité, ce qui blâmable. Malgré l’apparente réussite terrestre des carriéristes, les ambitieux n’obtiennent jamais toutes les distinctions désirées et subiront un honteux affront au jugement. Cherchant de trop grands honneurs passagers ici-bas, ils seront frustrés dans l’au-delà.
Il ne conviendrait pas plus de se disputer la dernière place des banquets par fausse humilité si cela trouble l’ordre. L’esprit de contestation est plus signe d’orgueil que de s’asseoir à la première place, si on ne fait que suivre le plan fixé. Le maître du festin aura soin de placer ses convives, comme dans un monastère bénédictin chacun est soigneusement une place du réfectoire suivant âge et fonction.
Celui qui se pousse aux honneurs ne jouit pas d’une estime durable et universelle. S’il est honoré du bout des lèvres, souvent le critiquent ceux qui affectent de le traiter avec le plus de distinction. La passion de la vaine gloire n’est pas anodine. Le divin médecin guérit tout et nous relève de tous nos maux. La maxime générale est une règle fondamentale du christianisme : « car quiconque s’élèvera sera humilié, et quiconque s’humilie sera exalté ». Ces paroles s’entendent de la justice de Dieu et non de celle des hommes, même d’Église, qui accordent les honneurs à ceux qui les désirent mais laissent les humbles dans l’obscurité.
-
- Lecture eschatologique
Qui ne désire point être placé au-dessus des autres, l’obtient de la divine Providence : « afin que quand viendra celui qui vous a invité, il vous dise : ‘Mon ami, montez plus haut’. Alors ce sera une gloire pour vous devant ceux qui seront à table avec vous ». La vraie gloire est bien sûr uniquement céleste, voire passer par une élévation aux honneurs des autels.
Le vrai festin des noces de Jésus-Christ est eschatologique. Ne nous enorgueillissons pas des mérites comme si l’on était plus élevé que les autres, car nous devrions céder la place à un plus honorable, bien qu’invité après. On descendrait couvert de confusion à la dernière place, reconnaissant la supériorité de la vertu des autres. En s’asseyant à la dernière place, on met en pratique la recommandation de l’Esprit saint : « plus vous êtes grand, plus vous devez vous humilier en toutes choses et vous trouverez grâce auprès de Dieu » (Si 3, 20 Vulg). Alors le Seigneur donnant le nom d’ami à celui qu’il trouvera dans ces sentiments d’humilité, lui commandera de monter plus haut, car quiconque s’humilie comme un enfant, est le plus grand dans le royaume des cieux (Mt 18, 4). Il servit ses disciples comme les rois au Jeudi Saint.
Nous ne sommes pas Dieu, seul capable de sonder les reins et les cœurs, de peser avec justesse et justice le poids des mérites de chacun. Ne cherchez donc pas maintenant ce qui vous est réservé pour la fin.