Homélie du 1er dimanche de Carême (26/09/2021)
Le sacrement de la confession
Le carême devrait être marqué par la pénitence (mortification), la prière et l’aumône. Revoyons cet admirable sacrement de la confession, qui façonne le plus l’être sacerdotal du prêtre. Où sont aujourd’hui les ‘martyrs du confessionnal’ : saints Jean-Marie Vianney à Ars (1786-1859), Léopold Mandić à Padoue (1866-1942) ou Padre Pio à San Giovanni Rotondo (1887-1968) ? Mais si nous manquons de prêtres aussi saints, fidèles ne se dispensent-ils pas de réitérer souvent ce sacrement qui, seul, fait toucher du doigt la miséricorde de Dieu ?
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- Divers noms pour un même sacrement
Confesser est synonyme de professer, soit dire sa foi publiquement. Les saints confesseurs sont les non-martyrs qui pratiquèrent les vertus au degré héroïque. Par ce sacrement, nous confessons que Dieu nous a tellement aimés qu’il a livré son Fils pour nous (Jn 3, 16). Nous témoignons de la miséricorde de Dieu qui se laisse toucher en ses entrailles comme une mère : ‘viscères de sa miséricorde’ dit le cantique de Zacharie (« per viscera misericordiæ suæ », Lc 1, 78) et non pas « grâce à la tendresse, à l'amour de notre Dieu ». L’amour de Dieu le ‘prend aux tripes’, dirait-on familièrement. L’acception actuelle d’aveu des péchés n’est que secondaire. Prenons conscience qu’on n’a pas été à la hauteur de l’amour de Dieu, qu’on a pas su rendre amour pour amour. Remettons les choses à plat.
Le second nom de pénitence évoque l’offense faite à l’amour de Dieu qui implique réparation. Le confesseur, au nom de Dieu, demande au pénitent d’accomplir un acte vertueux après avoir reçu l’absolution. La pénitence entend refaire bonnes les choses mauvaises, expier. La prière qui est la plus fréquente n’est pas une récitation mécanique mais un acte d’amour, un dialogue amoureux avec celui qui nous aime tant. Après avoir négligé Dieu, consacrons lui un peu de temps.
Le troisième nom de réconciliation évoque une amitié, un lien, brisés. Le rapprochement opère par le pardon imploré et généreusement offert. Dieu s’écarte des pécheurs mais revient, face à leur conversion, littéralement retournement, de ses enfants. Le baptême nous lava du péché originel, faute contractée par nos ancêtres mais non-commise par nous. Il ne peut être réitéré alors qu’on peut se confesser aussi souvent que le nécessitent nos péchés personnels ou actuels. Le péché véniel blesse la relation avec Dieu sans la briser mais une accumulation de péchés véniels conduira à un péché mortel. Il vaut mieux les confesser aussi. Les péchés mortels brisent la relation avec Dieu et enlèvent la grâce sanctifiante. Ils doivent être confessés pour rétablir dans l’amour de Dieu et restaurer la grâce. L’Esprit-Saint revient habiter dans l’homme réconcilié. Mourir en état de péché mortel conduit à l’enfer.
Trois conditions définissent le péché mortel. La matière (dimension objective) doit être grave. Des péchés crient vengeance contre Dieu (catéchisme de St. Pie X, n°997, CEC 1866) comme le meurtre (Abel : Gn 4, 10), la pratique homosexuelle ou sodomite (et non la tendance ; Gn 18, 20 ; 19, 13), l’oppression des pauvres (Ex 3, 7-10 ; 22, 20-22) et retenir le salaire de l’ouvrier (Dt 24, 14-15 ; Jc 5, 4). Les dix commandements complètent la liste. Ils sont divisés en commandements divins (irréligion, blasphème, manquer la messe dominicale) et humains (respect des parents, meurtre, luxure, vol, mensonge/faux témoignage, adultère, jalousie). Hormis cela, il faut la connaissance, savoir qu’on est en train de commettre un péché. Mais il serait trop facile de ne pas éduquer sa conscience. La doctrine catholique parle de syndérèse (habitus des premiers principes) ou connaissance innée de la loi morale naturelle résumée grosso modo par les dix commandements qui ne peuvent être totalement oubliés même par le plus pervers des hommes (les nazis firent exploser les chambres à gaz pour effacer des traces). Enfin, la volonté de faire cet acte, soit la liberté sans y être contraint.
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- Déroulement
Les Protestants prétendent se passer de la médiation du prêtre pour se confesser. Ils auraient, dans leur prière, le téléphone rouge avec le Bon Dieu, un lien direct. Dans L'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme (1905), Max Weber a démontré que les fondements de la richesse des États-Unis remonte aux puritains calvinistes (presbytériens). L’angoisse sur leur salut les pousse à rechercher des signes de leur élection. L’hérésie de la double prédestination prétend qu’avant même notre naissance, X serait prédestiné par Dieu à l’enfer ou Y au Paradis, quoi qu’il fasse. La grâce serait donnée uniquement aux élus pour accomplir le bien prévu. La réussite professionnelle, gagner beaucoup d’argent serait un signe divin (on est loin de la critique de la foi seule contre les œuvres !). Un catholique sait au contraire que s’il meurt après sa confession, il ira au pire au Purgatoire se purifier mais finalement au Paradis.
Les Protestants prétendent se fonder sur l’Écriture seule, mais elle les contredit. À saint Pierre, Jésus dit : « Je te donnerai les clés du royaume des Cieux : tout ce que tu auras lié sur la Terre sera lié dans les Cieux, et tout ce que tu auras délié sur la Terre sera délié dans les Cieux » (Mt 16, 19) dans le sens spirituel du pardon des péchés : « À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus » (Jn 20, 23). Absolution signifie littéralement délier. Ce pouvoir des clés du Paradis sur les armes pontificales transparaît dans l’étole croisée du prêtre qui tient son pouvoir mais lié, contrairement à l’évêque qui lui a la pleine juridiction. L’ordination sacerdotale implique immédiatement de pouvoir célébrer l’Eucharistie mais pas d’entendre les confessions car il faut un acte juridique spécial, soit un document contresigné du chancelier, qui lui délie les pouvoirs de confesser. Certains péchés sont réservés à l’évêque (mais Misericordia et misera 12, du 20 novembre 2016 permit aux prêtres de lever l’excommunication pour avortement (CIC 1388)), voire au Pape. Ils sont peu nombreux aujourd’hui, liés à l’excommunication latæ sententiæ levée uniquement par le Siège apostolique : la profanation des espèces consacrées (CIC 1367), la violence contre le Pape (CIC 1370), l’absolution donnée par un prêtre à sa maîtresse (CIC 1378), l’ordination épiscopale sans mandat du Pape (CIC 1382), la violation du secret de la confession (CIC 1388). Le prêtre doit être prêt à mourir plutôt que de divulguer le secret absolu de la confession. Saints Jean Népomucène (1340-1393) et Jean Sarkander (1576-1620) à Prague et Olomouc en devinrent au martyrs pour le préserver.
Le fidèle doit amèrement regretter ses péchés par contrition, sachant qu’il a offensé l’amour de Dieu : « Le sacrifice qui plaît à Dieu, c'est un esprit brisé ; tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un coeur brisé et broyé » (Ps. 50, 19). Mais le degré inférieur de l’attrition, imparfait regret qui craint simplement d’aller en enfer, suffit canoniquement pour la validité. La distinction rappelle la crainte servile au lieu du don de l’Esprit-Saint qu’est la crainte filiale. Le pénitent prend la ferme résolution de ne plus recommencer, sans ignorer que la faiblesse humaine risque malheureusement de le faire retomber. « Jésus lui répondit : ‘Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois’ » (Mt 18, 22). L’homme ne saurait dépasser l’amour de Dieu et pourra toujours être pardonné : « là où le péché s’est multiplié, la grâce a surabondé » (Rm 5, 20).
Conclusion
Absolument aucun péché n’est un obstacle insurmontable, même les pires génocidaires de l’Histoire s’ils avaient voulu se confesser. Pierre expia son triple reniement (Mt 26, 34-74) par sa triple profession d’amour envers le Christ (Jn 21, 15-17). Le péché contre l’Esprit, seul à ne pouvoir être pardonné (Mt 12, 31) ne serait-il pas l’orgueil de Judas qui se suicida (Mt 27, 3-8 et Ac 1, 18-19) car il se faisait une telle montagne de sa propre trahison. Était-il pire que Pierre le renégat ou Paul, complice du meurtre de saint Étienne et persécuteur des Chrétiens ? Non, évidemment ! « Si notre cœur nous accuse, Dieu est plus grand que notre cœur » (1 Jn 3, 20). Le juge implacable est souvent nous-mêmes ! Dieu vient ouvrir le tombeau dans lequel nous nous étions nous-mêmes enfermés !
Si le droit canon prescrit une confession obligatoire par an aux environs de Pâques, il se contente de tracer la limite entre qui est catholique et qui ne l’est plus. Mais voulons-nous être border line ou au cœur de l’Église (sainte Thérèse de Lisieux). Les saints se confessent souvent toutes les semaines. Visons à terme une confession par mois et en attendant une confession trimestrielle (vers Noël, Pâques, Assomption et Toussaint). Ne mettons pas de borne à la miséricorde de Dieu, allons nous confesser. Il y a tant de joie au Ciel pour un pécheur qui se convertit (Lc 15, 7) !