Épiphanie 2025 (12/01 - nvle royauté manifestée)

Homélie du dimanche 12 janvier 2025 (Épiphanie solennisée)

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Une nouvelle royauté manifestée à toute la terre

Si l’Épiphanie se célèbre dans notre ancien rite le 6 janvier, elle est solennisée en France au dimanche suivant. Cette belle fête revêt plusieurs dimensions.

  1. Une royauté élargie

Les textes insistent sur la royauté, les instruments de la puissance divine : « Voilà que vient le Seigneur Maître ; le pouvoir est dans sa main, la puissance et l’empire » (ant. Mal. 3, 1). « Les rois [marchent] vers la clarté de ton aurore » de Jérusalem (Is 60, 3). L’évangile selon saint Matthieu mentionne quatre fois le titre royal, trois fois pour Hérode le Grand et une fois pour le Christ puis le verbe régner encore. Le texte rapproche donc la royauté terrestre abusive d’un tyran et la véritable royauté du seul juste, le Fils de Dieu fait homme. L’instrument de son pouvoir n’est pas le dur sceptre de fer mais la croix. Du début à la fin de sa vie, la royauté du Christ est interrogée et suscite la méprise : Hérode comme Anne et Caïphe et même Ponce Pilate la voient comme concurrence de leur petit pouvoir caporaliste, puisqu’eux-mêmes étaient tous inféodés à Rome.

Les mages viennent de l’étranger, de l’orient : Babylone voire la Perse. Étaient-ils rois eux-mêmes ? La Bible ne le précise pas plus que leur nombre, déduit du triple présent. Mais ils symbolisent l’hommage apporté par les nations que les Juifs rendirent en la personne des humbles bergers mais pas de l’orgueilleux roitelet hérodien. Se réalisait la prophétie de Dieu à Abraham : « Je te comblerai de bénédictions, je rendrai ta descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable au bord de la mer (…). Puisque tu as écouté ma voix, toutes les nations de la terre s’adresseront l’une à l’autre la bénédiction par le nom de ta descendance » (Gn 22, 17-18).

« C'est à propos de ces nations que le saint patriarche Abraham, autrefois, reçut la promesse d'une descendance innombrable, engendrée non par la chair, mais par la foi ; aussi est-elle comparée à la multitude des étoiles, car on doit attendre du père de toutes les nations une postérité non pas terrestre, mais céleste (…). Que l'universalité des nations entre donc dans la famille des patriarches ; que les fils de la promesse reçoivent la bénédiction en appartenant à la race d'Abraham, ce qui les fait renoncer à leur filiation charnelle. En la personne des trois mages, que tous les peuples adorent le Créateur de l'univers ; et que Dieu ne soit plus connu seulement en Judée, mais sur la terre entière afin que partout, comme en Israël, son nom soit grand (…). Mes bien-aimés, instruits par les mystères de la grâce divine, célébrons dans la joie de l'Esprit le jour de nos débuts et le premier appel des nations. Rendons grâce au Dieu de miséricorde qui, selon saint Paul [Col 1, 12-13], nous a rendus capables d'avoir part, dans la lumière, à l'héritage du peuple saint ; qui nous a arrachés au pouvoir des ténèbres, et nous a fait entrer dans le royaume de son Fils bien-aimé. Ainsi que l'annonça le prophète Isaïe : ‘Le peuple des nations, qui vivait dans les ténèbres, a vu se lever une grande lumière, et sur ceux qui habitaient le pays de l'ombre, une lumière a resplendi’. Le même prophète a dit à ce sujet :Les nations qui ne te connaissaient pas t’invoqueront ; et les peuples qui t’ignoraient accourront vers toi’ [Is 55, 5]. Ce jour-là, Abraham l’a vu, et il s’est réjoui [Jn 8, 56] lorsqu’il découvrit que les fils de sa foi seraient bénis dans sa descendance, c’est-à-dire dans le Christ ; lorsqu’il aperçut dans la foi qu’il serait le père de toutes les nations ; il rendit gloire à Dieu, car il était pleinement convaincu que Dieu a la puissance d’accomplir ce qu’il a promis » (saint Léon le Grand).

  1. Adorateurs en esprit et en vérité

Si le pouvoir se revêt parfois des oripeaux religieux, Dieu cherche des adorateurs « en esprit et vérité » (Jn 4, 23) qui le reconnaissent comme Dieu et maître de leur vie personnelle comme des nations. D’où la triple occurrence du verbe adorer.

La méprise juive, seule religion non prosélyte, est de s’être repliée sur elle-même, enfermée dans l’orgueil du peuple élu « peuple d'élite, sûr de lui-même et dominateur » (de Gaulle) et de n’avoir pas compris qu’il devait ouvrir à toutes les nations son élection, partageant leur vocation de fils de Dieu : « Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 27, 19-20).

Dieu veut étendre sa royauté à tous les peuples de la terre : « Élargis l’espace de ta tente, déploie sans hésiter la toile de ta demeure, allonge tes cordages, renforce tes piquets » (Is 54, 2). La tente (σκηνή = skènè), tabernacle en latin, a toujours symbolisé la présence de Dieu depuis la tente du rendez-vous où Dieu parlait à Moïse comme à un ami (Ex 33, 10-11) et saint Paul, l’apôtre des Gentils était fabricant de tente (Ac 18, 2-3). Dieu le Fils, a littéralement dressé sa tente parmi nous dans « Et le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous [ἐσκήνωσεν ἐν ἡμῖν] » (Jn 1, 14 et Ap pour 4 occurrences). Sa nature humaine est la tente qu’il partage à tous les enfants des hommes qui veulent bien se convertir (He 8, 2).

Le problème est bien sûr que Dieu bouleverse la donne, les préjugés car de fort, il se fait faible pour nous élever jusqu’à lui : « Aujourd’hui, les mages cherchant celui qui brillerait parmi les étoiles, le trouvent vagissant au berceau. Aujourd’hui, les mages s’étonnent de découvrir glorieux dans ces langes celui qui s’était longtemps dissimulé dans le ciel où il demeurait obscur.

Aujourd’hui les mages considèrent avec une profonde stupeur ce qu’ils voient ici : le Ciel sur la Terre, la Terre dans le Ciel, l’homme en Dieu, Dieu dans l’homme ; et celui que le monde entier ne peut contenir enfermé dans le corps d’un tout-petit (…). Et dès lors qu’ils voient, ils proclament qu’ils croient sans discuter, en offrant leurs dons symboliques : par l’encens, ils confessent Dieu ; par l’or, le roi ; par la myrrhe, sa mort future (…).

C’est ainsi que les païens qui étaient les derniers deviennent premiers ; car c’est alors que la venue des païens à la croyance est inaugurée par la foi des mages (…). » (saint Pierre Chrysologue).

Dieu se manifeste (épiphanie le montre) mais de manière surprenante. Saurons-nous nous laisser éclairer par cette lumière étonnante qui ne vient pas de là où on l’attendrait ? Ne nous laissons pas aveugler par nos préjugés et reconnaissons Dieu dans l’humilité de la crèche.

Date de dernière mise à jour : 12/01/2025