2nd Épiphanie (19/01 - lect. spir.)

Homélie du 2e dimanche après l’Épiphanie (19 janvier 2025)

Les noces de Cana

  1. La Vierge Mère de l’Église intercédant pour les hommes

Étrangement, la Vierge est nommée en premier. Jésus ensuite ! Sans doute pour nous indiquer le chemin : ‘ad Jesum per Mariam’, nous allons à Jésus par Marie car c’est par l’humanité du Christ que nous accédons à sa divinité. Or, il tire son humanité d’une femme, la Vierge qui enfante le Sauveur (Ga 4, 4). D’ailleurs, la très sainte Vierge ne retient rien pour elle-même ! Elle est toute tournée vers son Fils : comme dans les apparitions, elle invite les hommes à la confiance et donc à obéir car Dieu nous aime et connaît nos besoins qu’elle lui « rappelle » (s’il en avait eu besoin !). Le 17 janvier 1871 à Pontmain (Mayenne), elle exhortait : « mais priez, mes enfants, Dieu vous exaucera en peu de temps. Mon fils se laisse toucher ».

D’ailleurs, la Vierge est comme Mater Ecclesiæ ou Mère de l’Église (que le pape a voulu solenniser le lundi après la Pentecôte). En effet, l’Église (Ecclesia) est évoquée à travers l’adjectif ‘ἐκλήθη’ (eklèthè) à savoir que Jésus avait été appelé/invité et il était entouré de ses disciples. La présence de la Vierge et des disciples rappelle la Pentecôte où le Christ envoya son Esprit Saint pour nous vivifier et nous unir par l’amour à lui (vinculum caritatis). D’une certaine manière, dès le début de sa vie publique, à son premier miracle, est instaurée une communauté priante pour salut des hommes. À l’eau et au sang sortis du côté du Christ sur la croix (Jn 19, 34) répond cette eau changée en vin, préfigurant l’Eucharistie. D’ailleurs, le lien avec Pâques est clairement annoncé par la récurrence des expressions de ‘femme’ et ‘heure’ pour la croix (Jn 19, 26-27), outre le troisième jour du miracle de Cana qui évoque la Résurrection. Si aujourd’hui la Vierge confie les hommes à son Fils, le Fils confia sur la croix sa mère à un homme, son disciple préféré, Jean qui la prit chez lui.

  1. Nous purifier

L’eau fut mise dans six jarres de pierre qui servaient aux purifications des Juifs. Dans les pays païens le temps et le soin mis à ses purifier avant tout acte religieux sont impressionnants. Les ablutions sont très ritualistes, extérieures et corporelles chez les musulmans, très antisocialles chez les hindous, ce qui les empêche de communiquer avec leurs frères, les intouchables (dalit).

Ici les invités sont purifiés comme sans le savoir. Ce n’est plus l’eau à l’extérieur mais le sang du Christ à l’intérieur qui purifie vraiment les hommes. La messe est un acte de propitiation. Rien en l’homme d’ici-bas ne peut rendre Dieu propice, favorable, si ce n’est le sacrifice sanglant de l’humanité parfaite de son fils qui rachète le péché de tous ses frères en humanité. Ce sacrifice sanglant est rendu présent pour nous aujourd’hui par la messe, mais sous une apparence non-sanglante pour ne pas effrayer les fidèles qui ne sont plus aspergés du sang des animaux comme sous Moïse (Ex 24, 8 ; Lv 8, 15-30) mais qui consomment par la communion le corps et le sang du Christ (même sous une seule espèce !).

Mais les hommes ont leur part à faire. Le serviteur inutile ne doit pas inactif. Les diacres ou serviteurs du maître de maison obéissent aux recommandations de la Vierge. Que font-ils ? Ils emplissent à ras-bord, ou jusqu’en haut les six jarres. L’homme fut créé le sixième jour (Gn 1, 26-31). Au Paradis, nous serons remplis à ras-bord par l’amour de Dieu : c’est en cela que nous serons comblés, que notre joie sera parfaite : « Jusqu’à présent vous n’avez rien demandé en mon nom ; demandez, et vous recevrez : ainsi votre joie sera parfaite » (Jn 16, 24). Mais si tout personne qui y est admise, est comblée au Ciel, encore y doit-on distinguer. Certains sont plus grands que d’autres : du dé à coudre à une grande jarre. Pour cela, il nous faut donc agrandir notre capacité réceptive : « fais toi capacité, je me ferai torrent » (Jésus à sainte Catherine de Sienne), donc nous ouvrir à la grâce. C’est à dire apprendre à aimer : « Donnez, et l’on vous donnera : c’est une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans le pan de votre vêtement ; car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous » (Lc 6, 38).

  1. Rejoindre les réalités d’en-haut en puisant dans le Sacré-Cœur

La pierre, matériau des six jarres, illustre bien nos cœurs de pierre. Mais le Christ ne s’y résout pas, accomplissant la prophétie : « Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J’ôterai de votre chair le cœur de pierre, je vous donnerai un cœur de chair » (Éz 36, 26). Après tout, celui qui n’a pas trouvé une pierre sur laquelle reposer sa tête (Mt 8, 20 ; Lc 9, 58) voudrait bien des consolateurs de son Sacré-Cœur, qui lui n’est pas endurci, pour se reposer. Voilà ce que nous devrions lui proposer dans l’oraison. Au lieu de le saouler de vaines paroles : « lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés » (Mt 6, 7). N’oublions pas que l’oraison doit être une rencontre. Si nous venons vers lui, lui vient vers nous. Il veut aussi que nous soyons là pour lui, sans rien attendre de lui autre chose que sa personne, pas que les consolations de Dieu mais le Dieu des consolations. « Consolantem me quaesivi, et non inveni » (Ps 68, 21). « J’ai cherché quelqu’un qui qui console et je ne l’ai pas trouvé ». La consolation est d’abord un être-là avec celui qui est abandonné (cum solo). Voilà quelle est notre part, si infime mais indispensable ! « Dieu, qui nous a créés sans nous, n'a pas voulu nous sauver sans nous » (saint Augustin, Sermon 169 , 11, 13; PL 38, 923).

« Solo Dios basta » (sainte Thérèse de Jésus) : Dieu seul suffit. Élevons notre regard vers le Ciel, vers le Christ. Toujours nous nous laissons alourdir et perdons notre temps vers des réalités prosaïques. Elles sont certes notre lot mais elles doivent être orientées vers en-haut (ἕως ἄνω), d’où vient Jésus. Il élève son regard vers le Ciel (Jn 11, 41), vers son Père, et nous invite à l’imiter en recherchant d’abord les choses d’en-haut plutôt que celles d’en-bas (Col 3, 1-2 : τὰ ἄνω ζητεῖτε). Celles d’en haut sont divisibles à l’infini. Celles d’en-bas sont épuisables et suscitent la concurrence, la haine et la guerre. « Vous, vous êtes d’en bas ; moi, je suis d’en haut » (Jn 8, 23 : Ὑμεῖς ἐκ τῶν κάτω ἐστέ, ἐγὼ ἐκ τῶν ἄνω εἰμί). Mais cet en-haut est accessible ! Il faut puiser (Ἀντλήσατε) comme les serviteurs, comme la Samaritaine (Jn 4, 7 : ἀντλῆσαι). Puiser où ? Dans le Sacré-Cœur de Jésus ! (haurietis aquas : « Exultant de joie, vous puiserez les eaux aux sources du salut », Is 12, 3). L’homme est un être de manque : ici il manque de vin (ὑστερήσαντος), au jeune homme riche (Mc 10, 21 : ὑστερεῖ), qui est comblé des biens d’ici-bas, même respectant les commandements, il ne manque qu’une chose, l’essentiel, le Christ ! Puisons la grâce de nous laisser transformer par l’Esprit Saint en un bon fils dans le Fils.

Date de dernière mise à jour : 03/02/2025