4e Avent (22/12 - voix Baptiste)

Homélie du 4e dimanche de l’Avent (21 décembre 2024)

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Lecture thomiste de l’évangile (Lc 3, 1-6)

Trois dimanches de l’Avent sur quatre traitent de saint Jean-Baptiste.

  1. Historicité des évangiles

L’enracinement historique du Baptiste est encore plus précis que la Nativité du Christ (Lc 2, 1-2). Annonçant le Christ, venu racheter Juifs et païens/Gentils, sa prédication fut datée de l’empereur païen et des rois de Judée. Tibère succéda à Auguste (sous le règne duquel naquit le Christ) le 19 août de l’an 14 ap. J.C., donc sa quinzième année va d’août 28 à août 29. Le Christ étant mort le vendredi 7 avril 30, après trois ans de vie publique, cela correspond bien.

La division entre plusieurs souverains juifs était une conséquence du péché de Salomon devenu idolâtre. Mort en 931 av. J.C., son héritage fut partagé entre son fils Roboam, qui ne mobilisa que deux tribus au Sud, Juda et Benjamin et Jéroboam, un officier, avec 10 tribus du Nord pour Israël. Cette division les affaiblit et exposa à la domination étrangère pour rabaisser l’orgueil des Juifs à la nuque raide : « Tout royaume divisé contre lui-même devient désert, ses maisons s’écroulent les unes sur les autres » (Lc 11, 17). Hérode Archélaüs, fils d’Hérode le Grand, du massacre des Innocents, régna de – 4 (le Christ naquit donc entre -7 et -4) pendant dix ans avant d’être exilé comme tyran + 6 en Gaule. Auguste nomma alors des tétrarques régnant sur un quart d’un royaume déjà modeste : Hérode Antipas et son frère Philippe (mari d’Hérodiade qui obtint la tête du Baptiste) et Lysanias. Ponce Pilate fut préfet en +26 pour dix ans, soumis au gouverneur de Syrie. Jésus étant roi et prêtre, saint Luc précisa : « sous les grands-prêtres Anne et Caïphe », les mêmes qu’à la Passion, Anne (6-15 ap. JC), beau-père de Joseph Caïphe (18-37 ap. JC), (séparés par 4 autres qui ne restèrent que moins d’un an chacun).

  1. Le rôle de saint Jean-Baptiste

Le Fils de Dieu venu rassembler son Église, commença à œuvrer dans son précurseur. Luc n’évoque que son rôle prophétique et non ascétique, comme si seule l’élection divine le recommandait. Retiré au désert, ce ne furent pas les liens du sang ni une amitié contractée dès l’enfance qui portèrent Jean-Baptiste à rendre témoignage à Jésus qu’il ne connaissait pas (Jn 1). Par l’Esprit-Saint et la vertu d’Élie, séparé des hommes, il s’adonna entièrement à la contemplation pour discerner le Sauveur. Il fut plus rempli de grâce qu’aucun prophète.

« Jean était la voix, mais le Seigneur au commencement était la Parole. Jean, une voix pour un temps ; le Christ, la Parole au commencement, la Parole éternelle. Enlève la parole, qu’est-ce que la voix ? Là où il n’y a rien à comprendre, c’est une sonorité vide. La voix sans la parole frappe l’oreille, elle n’édifie pas le cœur. Cependant, découvrons comment les choses s’enchaînent dans notre propre cœur qu’il s’agit d’édifier. Si je pense à ce que je dis, la parole est déjà dans mon cœur ; mais lorsque je veux te parler, je cherche comment faire passer dans ton cœur ce qui est déjà dans le mien. Si je cherche donc comment la parole qui est déjà dans mon cœur pourra te rejoindre et s’établir dans ton cœur, je me sers de la voix, et c’est avec cette voix que je te parle : le son de la voix conduit jusqu’à toi l’idée contenue dans la parole ; alors, il est vrai que le son s’évanouit ; mais la parole que le son a conduite jusqu’à toi est désormais dans ton cœur sans avoir quitté le mien. Lorsque la parole est passée jusqu’à toi, n’est-ce donc pas le son qui semble dire lui-même : Lui, il faut qu’il grandisse ; et moi, que je diminue ? Le son de la voix a retenti pour accomplir son service, et il a disparu, comme en disant : Moi, j'ai la joie en plénitude. Retenons la parole, ne laissons pas partir la parole conçue au fond de nous.

Il est difficile de distinguer la parole de la voix, et c’est pourquoi on a pris Jean pour le Christ. On a pris la voix pour la parole ; mais la voix s’est fait connaître afin de ne pas faire obstacle à la parole. Je ne suis pas le Christ, ni Élie, ni le Prophète. On lui réplique : Qui es-tu donc ? Il répond : Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Préparez la route pour le Seigneur. La voix qui crie à travers le désert, c’est la voix qui rompt le silence. Préparez la route pour le Seigneur, cela revient à dire : Moi, je retentis pour faire entrer le Seigneur dans le cœur ; mais il ne daignera pas y venir, si vous ne préparez pas la route. Que signifie : Préparez la route, sinon : Priez comme il faut ? Que signifie : Préparez la route, sinon : Ayez d’humbles pensées ? Jean vous donne un exemple d’humilité. On le prend pour le Messie, il affirme qu’il n’est pas ce qu’on pense, et il ne profite pas de l’erreur d’autrui pour se faire valoir. S’il avait dit : ‘Je suis le Messie’, on l’aurait cru très facilement, puisqu’on le croyait avant même qu’il ne parle. Il l’a nié : il s’est fait connaître, il s’est défini, il s’est abaissé. Il a vu où se trouvait le salut ; il a compris qu’il n’était que la lampe, et il a craint qu’elle ne soit éteinte par le vent de l’orgueil. Le Verbe s’est fait entendre, la voix suivit de près, car le Verbe agit d’abord à l’intérieur, et la voix lui sert ensuite d’instrument » (saint Augustin).

  1. Implorer la rémission des péchés

Le Jourdain signifie ‘qui descend’ des fiers monts du Liban (l’Hermon) pour s’enfoncer dans la mer Morte. Le Christ s’y plongea/ensevelit pour ramener vers Dieu l’homme qui avait chuté. Jean ne pouvait pardonner les péchés ni donner l’Esprit, mais cette étape était nécessaire pour les Juifs qui ignoraient leurs fautes comme nos contemporains. Jean exhortait à se repentir pour les disposer à obtenir leur pardon par la foi en Jésus-Christ. Jean était une figure de la loi qui pouvait démasquer pédagogiquement le péché, mais non pas le remettre, : « je n’aurais pas connu le péché s’il n’y avait pas eu la Loi » (Rm 7, 7).

Préparer la voie au Seigneur et rendre droit ses sentiers consiste à professer intégralement la vraie foi et pratiquer les bonnes œuvres par la grâce. L’Esprit-Saint comble nos béances et nous élève de notre abîme vers la sainte montagne de Dieu (Ps 42, 3). La vertu est ce juste milieu entre deux excès, comme la force est un courage à mi-chemin entre lâcheté (fossé) et témérité (montagne). En effet, notre cœur est grand s’il est pur, car il est capable de connaître et aimer la vérité qu’est le Christ. Plus elle est accueillie, plus elle dilate ce cœur.

L’orgueil du peuple élu est rabaissé et le salut rendu disponible aux Gentils : « il renverse les puissants de leur trône, il élève les humbles » (Lc 1, 52) comme dans la parabole du pharisien et du publicain : « qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé » (Lc 18, 9-14). Après les difficultés de la loi avec 613 préceptes en plus des 10 commandements succède la facilité de la foi. Cependant, le chemin chrétien demeure tortueux malgré la grâce si l’on est un peu réaliste sur l’emprise du péché sur vos vies.

Avec Jean-Baptiste, la voix annonce la voie, nom qui désigne dans les actes du même saint Luc le christianisme primitif (Ac 18, 25-26 ; 19, 9.21.23 ; 24, 14).

Date de dernière mise à jour : 22/12/2024