2e Avent (08/12 - espérance/patience)

Homélie du 2e dimanche de l’Avent/Immaculée Conception (8 décembre 2024)

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Espérance et patience

L’Avent implique l’espérance, mot-clé au début et à la fin de l’épître (Rm 15, 4-13) : « Tout ce qui a été écrit avant nous l’a été pour notre instruction, afin que, par la patience et la consolation que donnent les Écritures, nous possédions l’espérance (…). Que le Dieu de l’espérance vous remplisse de toute joie et de toute paix dans la foi, afin que, par la vertu de l’Esprit-Saint, vous abondiez en espérance ! ».

  1. L’espérance

L’espérance est théologale, donc s’enracine en Dieu et porte vers lui. Mais la surnature suppose la nature et donc l’espoir (cf. ST, I-II, 40), passion naturelle visant un bien futur ardu mais atteignable. Beaucoup désespèrent car « ‘s’ils butent à quelque chose d’impossible, les hommes abandonnent’, dit Aristote ». Pour espérer, il ne faut s’illusionner sur ses propres capacités mais attendre de Dieu d’obtenir le Paradis (exspectare : ex alio spectare ou ‘regarder vers un autre’) : « pas seulement regarder vers le bien à atteindre mais aussi vers celui dont la puissance fonde son espoir : ‘je cherchais du regard un homme secourable’ (Sir 51, 7) ». Ayons donc confiance en Dieu : ‘cœur Sacré de Jésus, j’ai confiance en vous’ (révélations de Paray-le-Monial à sainte Marguerite-Marie Alacoque en 1675) et ‘Jésus, j’ai confiance en vous’ (à sainte Faustine Kowalska à Płock en 1931).

Pour fonder notre confiance en Dieu, connaissons son intervention dans l’histoire de l’Église et des saints, relisons la dans notre vie. L’ancre symbolise l’espérance chrétienne (He 6, 19-20). Elle donne sa stabilité à la nef de l’Église sur laquelle nous sommes tous embarqués. L’espérance contracte les trois dimensions temporelles. Si elle se tourne vers notre avenir, c’est enraciné dans la certitude que le Christ est déjà venu, est mort et est ressuscité, nous appelant à le rejoindre, lui tête du corps de l’Église, dans l’éternel présent de Dieu. Espérer implique de croire : « L’objet de l’espérance est, d’une façon, la béatitude éternelle, et, d’une autre façon, le secours divin (…). Ces deux objets nous sont proposés par la foi qui nous apprend que nous pouvons parvenir à la vie éternelle et, qu’à cette fin, un secours divin nous a été préparé : ‘Celui qui s’approche de Dieu doit croire qu’il existe et qu’il assure la récompense à ceux qui le cherchent’ (Hé 11, 6) ». En retour, l’espérance nous fait mieux aimer Dieu : « Du fait que nous espérons pouvoir obtenir des biens par un intermédiaire, nous sommes portés vers lui comme vers notre bien, et nous nous mettons à l’aimer (…). Être aimé de quelqu’un nous fait donc espérer en lui ; mais c’est l’espoir que nous mettons en lui qui nous conduit à l’aimer ».

L’espoir marque une certaine jeunesse du cœur (cf. introibo (Ps 42, 4) : « j’avancerai vers l’autel de Dieu, vers Dieu qui réjouit ma jeunesse »). Dans la petite voie thérésienne de l’enfance, il faut s’abandonner dans les bras de Dieu le Père : « dirige ton chemin vers le Seigneur, fais-lui confiance, et lui, il agira » (Ps 36, 5). L’enfant croit que son père est le plus fort de tous les papas, et là, c’est vraiment le cas ! « Rien n’est impossible à Dieu » (Lc 1, 37). S’il a été capable de créer le monde et de faire d’une vierge une mère, il peut bien faire de notre boue des saints ! Attendons-nous encore quelque chose de la vie et de Dieu ? Le secours divin est la grâce. Reconnaissant humblement sa juste place de créature, l’homme demande humblement de à Dieu de le hisser dans ses bras, ne pouvant rien par soi-même. « Notre secours est dans le Nom du Seigneur ».

  1. La patience

L’autre vertu évoquée est la vertu cardinale de force, se subdivisant en deux qualités : endurer/tolérer les maux (en latin sustinere « en réprimant la peur ») et les affronter courageusement (aggredi « en modérant l’audace », cf. II-II, 123). Mais des deux, l’acte principal et plus vertueux est de supporter en réprimant les craintes car c’est le plus faible qui est attaqué. Supporter vit au présent le péril, tandis que marcher pour attaquer (ad-gredere : cf. aggression) renvoie à un avenir proche. Enfin, ‘endurer’ estplus long qu’attaquer. Pour Aristote, « certains volent au-devant des dangers, mais s’enfuient quand ils les rencontrent ; les hommes forts font le contraire ». Dans certains périls extrêmes, souffrir et endurer en tenant fermement au bien est la seule manière possible de résister (Josef Pieper).

La patience « supporte volontairement et longtemps des épreuves ardues et difficiles, par un motif de service ou d’honnêteté », empêchant la tristesse de nous détourner du bien par abattement ou découragement. Elle « nous fait supporter nos maux d’une âme égale » (saint Augustin, II-II, 136) ou équanimité, dans une certaine sérénité. Si le fort domine ses craintes et refuse de fuir par peur de périls futurs, le patient domine la tristesse des souffrances présentes.

Le risque est toujours de s’arrêter en chemin dans la pratique des vertus, en particulier par découragement et fatigue : « Suivez jusqu’au bout la route que je vous prescris et vous serez heureux » (Jer. 7, 23). Tenri, ne pas renoncer (He 12,3) suppose la persévérance pour « demeurer de façon stable et perpétuelle dans un parti adopté avec délibération ». « Vous serez puissamment fortifiés par la puissance de sa gloire, qui vous donnera la persévérance/longanimité et la patience » (Col 1, 11). La durée est prolongée dans la maladie ou toute situation chronique (disette, pauvreté, crise structurelle) mais aussi dans le patient combat pour la sainteté en surmontant la fatigue/lassitude auquel cède la mollesse quand « on renonce facilement au bien à cause des difficultés qu’on ne peut soutenir (…), cédant facilement à la pression (…). Aussi Aristote définit exactement l’homme mou : celui qui s’éloigne du bien à cause des tristesses causées par l’absence de voluptés, parce qu’il cède à une très faible impulsion » (II-II, 137-138). Le patient renonce à certains plaisirs, ayant hiérarchisé ses valeurs.

Cela dépasse les facultés humaines quand la vertu cardinale atteint le degré infus, surnaturel car il faut beaucoup aimer le bon Dieu pour endurer tant de souffrances plutôt que de s’arrêter vers la sainteté : « l’âme a en horreur la tristesse et la douleur, si bien qu’on ne choisirait jamais de les souffrir pour elles-mêmes, mais seulement en vue d’une fin. Il faut donc que ce bien pour lequel on veuille souffrir des maux soit voulu et aimé davantage que ce bien dont la privation nous inflige la douleur que nous supportons patiemment. Or, préférer le bien de la grâce à tous les biens naturels dont la perte nous fait souffrir, appartient à la charité qui aime Dieu par-dessus tout. Aussi est-il évident que la patience, en tant qu’elle est une vertu, a pour cause la charité, selon saint Paul : ‘La charité est patiente’ (1Co 13,4) ».

La sainte de Lisieux résumait : « Ah, si toutes les âmes faibles et imparfaites sentaient ce que sent la plus petite de toutes les âmes, l’âme de votre petite Thérèse, pas une seule ne désespérerait d’arriver au sommet de la montagne de l’amour puisque Jésus ne demande pas de grandes actions, mais seulement l’abandon et la reconnaissance ».

Date de dernière mise à jour : 08/12/2024