1er dimanche de l’Avent (1er décembre 2024)
« Ne pensez pas seulement à l’avènement où le Seigneur est venu chercher et sauver ce qui était perdu (Lc 19,10); pensez à celui où il viendra pour nous prendre avec lui » (saint Bernard, Sermons sur l’Avent du Seigneur, 4, 1, 3-4, Opera omnia, éd leclercq, 4, 1966, 182-185). L’Avent est un temps d’attente. Les jours sont comptés ! Mais avant quoi ? N’y aurait-il pas toujours maldonne ? Les Juifs attendaient un Messie glorieux. Ils eurent un Messie qui s’abaissa, de la crèche au crucifiement. Mais nous même, attendons-nous Noël de la crèche ou le retour du Messie dans la gloire ? Le basculement vers Noël n’est que le 17 décembre.
- Malentendu sur quoi attendre et préparer
Comment nous préparer aux différents avènements ? Le premier fut dans le passé, le second se situe dans l’avenir. Mais ne devrions-nous pas hâter la fin des temps ? Le « je veux voir Dieu, et que pour le voir il faut mourir » (citation de sainte Thérèse d’Ávila, presque incipit du livre homonyme du P. Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus) n’est-il pas frappant ? Ce désir si fort de Dieu poussa une enfant de huit ans à fuguer avec son frère Rodrigue pour se faire martyriser par les infidèles musulmans. Aujourd’hui la plupart rêvent de vivre le plus longtemps possible ! Chose que je n’ai jamais comprise car pour ma part, j’ai hâte de voir Dieu : je suis même en retard puisque j’ai dépassé deux fois l’âge de sainte Thérèse de Lisieux qui avait « tout accompli » déjà à 24 ans. Certes, chacun a son rythme pour avancer vers Dieu ou se détacher des vanités de ce monde.
Au-delà de l’aspect individuel vient un aspect collectif. « Maranatha » (1 Co 16, 22 ; Ap 22, 20). Notre prière devrait porter sur l’appel qui conclut pratiquement l’Apocalypse : « l’Esprit et l’Épouse disent : ‘Viens !’. Celui qui entend, qu’il dise : ‘Viens !’ » (Ap 22, 17). Nos cœurs sont attiédis. Sans tomber dans le millénarisme, ne devrions-nous pas souhaiter que le Christ revienne mettre de l’ordre dans ce monde décadent qui court à sa ruine et marche sur la tête ? N’avons-nous pas soif de la vraie justice qui ne peut venir que de Dieu puisque nous savons que l’homme est corrompu ? N’avons-nous pas envie que les méchants paient enfin et soient enfin définitivement rejetés en enfer, tandis que ceux qui, cahin-caha, se sont efforcés de chercher Dieu seraient récompensés, même s’il leur fallait d’abord être purifiés au Purgatoire ? « Que mes ennemis ne puissent pas se moquer de moi car ceux qui comptent sur votre venue ne seront pas déçus » (antienne offertoire, Ps 24, 1-3). Certes, nous ne connaissons ni le jour ni l’heure (Mt 24, 42-44 ; 25, 13) et il ne nous appartient pas de verser dans des élucubrations.
- Le retour glorieux dans les nuées
En tout cas, la liturgie de l’Avent entend « réveiller » (collecte : « Réveillez votre puissance, Seigneur et venez ») le Seigneur pour qu’il hâte son retour à la fin des temps pour juger enfin ce monde et toutes ses créatures. Mais cette nuée (cf. Rorate Cæli desuper et nubes pluant iustum [Émettez votre rosée du ciel et que les nuées pleuvent le juste]) n’est pas sans ambiguïtés, comme durant l’exode, suivant les moments nuée/lumière : « Le Seigneur lui-même marchait à leur tête : le jour dans une colonne de nuée pour leur ouvrir la route, la nuit dans une colonne de feu pour les éclairer ; ainsi pouvaient-ils marcher jour et nuit. Le jour, la colonne de nuée ne quittait pas la tête du peuple ; ni, la nuit, la colonne de feu » (Ex 13, 21-22) ou pour qui regarde : « l’ange de Dieu, qui marchait en avant d’Israël, se déplaça et marcha à l’arrière. La colonne de nuée se déplaça depuis l’avant-garde et vint se tenir à l’arrière, entre le camp des Égyptiens et le camp d’Israël. Cette nuée était à la fois ténèbres et lumière dans la nuit, si bien que, de toute la nuit, ils ne purent se rencontrer » (Ex 14, 19-20). La foi semble incompréhensible au païens mais éclaire ou devrait éclairer la vie des fidèles. Dieu dans la nuée séparait déjà ceux qui vivraient et ceux qui mourraient en refermant la mer Rouge sur les poursuivants égyptiens, « il a jeté dans la mer cheval et cavalier ! » (Ex 15, 1).
Pour hâter le retour ou second avènement du Seigneur, il nous faut chercher à nous convertir nous mais aussi les autres, sans obligation de résultats, avec la liberté intérieure d’une sainte Bernadette : « je suis chargée de vous le dire, pas de vous le faire croire ». Mais nous devons prêcher par la parole et par l’exemple. Saint Bernard poursuit : « Lorsque le Seigneur reviendra, il transfigurera notre corps de misère à la ressemblance de son corps de gloire, mais seulement si notre coeur a été auparavant transfiguré en devenant conforme à l’humilité de son coeur. C’est pourquoi il disait: ‘Devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur’ (Mt 11,29). Découvrez dans ce texte qu’il y a deux sortes d’humilité : l’une de connaissance, l’autre d’amour, appelée ici l’humilité du coeur. La première nous enseigne que nous ne sommes rien, et nous en sommes instruits par nous-mêmes, par notre propre faiblesse. Avec la seconde, nous piétinons la gloire du monde, et nous en sommes instruits par celui qui s’est anéanti, en prenant la condition de serviteur ; appelé au trône, il s’est enfui; mais appelé à tous les outrages et à l’ignominieux supplice de la croix, il s’y est offert lui-même de son plein gré ». Le meilleur moyen est de réciter à genoux le Miserere (Ps 50), soit se confesser plus souvent pour qu’il prenne possession pleinement de nous puisque nous le recevons au moins chaque dimanche.
Alors osons dire avec le psalmiste : ‘Usquequo Domine ?’ « Combien de temps, Seigneur, allez-vous m’oublier, combien de temps, me cacher votre visage ? Combien de temps aurai-je l’âme en peine et le coeur attristé chaque jour ? Combien de temps mon ennemi sera-t-il le plus fort ? Regardez, répondez-moi, Seigneur mon Dieu ! Donnez la lumière à mes yeux, gardez-moi du sommeil de la mort ; que l’adversaire ne crie pas : ‘Victoire !’, que l’ennemi n’ait pas la joie de ma défaite ! Moi, je prends appui sur votre amour ; que mon coeur ait la joie de votre salut ! Je chanterai le Seigneur pour le bien qu’il m’a fait » (Ps 12, 2-6).