1er Passion (06/04 - lect. thom. év.)

Dimanche de la Passion (6 avril 2025)

Lecture thomiste de l’évangile (Jn 8, 46-59)

      1. L’hostilité à la Vérité
  1. Jésus est vrai Fils de Dieu car un homme ne peut être sans péché

Jésus affirme dire la Vérité dans le sens où IL EST LA VÉRITÉ. Fils de Dieu le Père, il est celui qui est véridique. Le diable étant père du mensonge, les ennemis du Christ (les Juifs pharisiens et sadducéens) sont du diable comme Jésus l’a montré juste avant (Jn 8, 44). Ils pourraient prétendre ne pouvoir croire Jésus (manquer de foi : infidelitas) s’il était un pécheur et indigne de confiance. En effet, quand un pécheur dit la vérité, on peine à le croire. Mais ses ennemis n’ont jamais pu le convaincre du moindre péché. Son impeccabilité (étymologiquement : absence de péché) prêche en sa faveur : « Lui n’a pas commis de péché ; dans sa bouche, on n’a pas trouvé de mensonge » (1 P 2, 22, cf. Ap 14, 5). Dieu ne dédaigne pas démontrer rationnellement qu’il n’est pas pécheur, lui qui pouvait justifier les pécheurs par la puissance de sa divinité. Or, personne n’est sans péché si ce n’est Dieu : « Si nous disons que nous sommes sans péché, nous faisons de lui un menteur » (1 Jn 1, 10 ; cf. Pr 20, 9 ; Ps 13, 3).

Puisque Jésus n’a pas péché, le problème réside donc en ses ennemis. Si moi, que vous haïssez, vous ne pouvez me convaincre de péché, c’est à cause de la vérité que vous me haïssez, parce que je dis être le Fils de Dieu. Le raisonnement est le suivant. Quiconque provient de Dieu lui ressemble. Suivant l’ordre naturel, l’intelligence adhère par nécessité aux premiers principes de la vérité et la volonté inhère à la fin ultime ou béatitude (ST I, 82, 1-2). La parole de Dieu doit être accueillie amoureusement par les fils de Dieu divinisés par adoption : « Elle les appelle donc des dieux, ceux à qui la parole de Dieu s’adressait » (Jn 10, 35).

  1. Les Juifs ne sont pas de Dieu

Les Juifs n’écoutent pas car ils ne sont pas de Dieu. Leur méchanceté cause leur incrédulité : « ils ne sont pas de Dieu par le vice et leur amour dépravé (...). Cette parole a été adressée non seulement à ceux qui étaient corrompus par le péché — car cela est commun à tous —, mais aussi à ceux dont il savait d’avance qu’ils ne croiraient pas, de cette foi qui pouvait les libérer du lien du péché » (saint Augustin).

Saint Grégoire distingue trois degrés de volonté mauvaise comme refus d’écouter :

  • Dédaigner écouter les commandements divins : « ils se bouchent les oreilles » (Ps. 57, 5).
  • Percevoir le son corporellement sans vouloir les accomplir : « ils écoutent tes paroles sans les mettre en pratique » (Ez 33, 31).
  • Recevoir de bon gré les paroles de Dieu, s’en laisser toucher mais accablés de tribulations ou attirés vers les plaisirs, revenir à l’iniquité (parabole du bon grain, Mt 13, 20-22).

  1. La réfutation de leurs arguments

Les Juifs avançaient deux arguments. Jésus serait Samaritain or les Juifs les haïssaient (Jn 4, 9) car ils leur avaient pris la terre des dix tribus perdues (2 R 17, 24) à la déportation du royaume du Nord, Israël, par les Assyriens en -722. Ils n’observaient qu’une partie des rites judaïques et considéraient le Mont Garizim comme leur haut-lieu plutôt que le Temple de Jérusalem. Comme le Christ n’observe que partiellement la Loi (ex. le sabbat), il serait comme eux. Ensuite la possession était une esquive car ils ne pouvaient nier le caractère surnaturel des interventions du Christ et refusant d’y voir la main de Dieu, il fallait l’attribuer au démon (Lc 11, 14-28). Ne pouvant s’élever jusqu’à la réalité de l’Incarnation, ils l’accusaient de diablerie : « Beaucoup disaient : ‘Il a un démon, il délire. Pourquoi l’écoutez-vous ?’ » (Jn 10, 20).

Le Christ ne se disculpe pas du premier argument. Il est Galiléen mais de la tribu de Juda. Il avait affirmé à la Samaritaine que le salut venait des Juifs. Il est venu sauver tous les hommes (1 Tim 2, 3-4) et abolir le mur de la haine entre Juifs et païens (Éph 2, 14). En ne réfutant pas, il signifiait qu’il était de toute langue, race et nation (Ap 5, 9) venant de la « Galilée des nations » (Mt 4, 15 reprenant Is 8, 23).

      1. Le rapport entre Jésus et son Père
  1. Jésus honore son Père

Jésus nia être possédé. Quand nous sommes injuriés à tort, que la juste correction fraternelle ne dégénère pas en fureur. Ne défendons que les choses qui touchent à Dieu sans nous arrêter à celles qui nous touchent uniquement. Seul celui qui n’a jamais péché exclut n’avoir strictement rien en commun avec le démon : « il vient, le prince du monde. Certes, sur moi il n’a aucune prise » (Jn 14, 30 ; cf. 2 Co 6, 15 : « quel accord du Christ avec Satan ? ».). Être du démon s’oppose à servir Dieu : « Non serviam » (Jér 2, 20 : « je ne servirai pas ») et servir revient à honorer Dieu comme un Père.

Le Christ fait ce qu’il doit faire, eux non. En déshonorant le Fils, ils déshonorent son Père. Le Christ, parlant en tant qu’homme, ne recherche pas sa gloire. Dieu seul peut chercher sa gloire sans tomber dans l’orgueil. Les autres ne le peuvent pas, si ce n’est en Dieu — « celui qui se glorifie, qu’il se glorifie dans le Seigneur » (2 Co 10, 17). Dieu le Père veut que Jésus soit glorifié en tant qu’homme : « tu le revêts de splendeur et de gloire » (Ps 20, 6).

  1. Jésus jugera pour le Père

Le Père jugera mais par le Christ : « car le Père ne juge personne : il a donné au Fils tout pouvoir pour juger » (Jn 5, 22). « Jugement » désigne parfois la condamnation, prononcée par le Fils qui seul apparaîtra en tant qu’homme au jugement personnel (ceux qui n’ont pas accès au Paradis ne peuvent donc pas voir Dieu le Père qui n’est accessible que par la béatitude). Mais ici, il parle plutôt du jugement de discrétion ou discernement. Ici-bas, c’est plutôt séparation de cause que de lieu comme l’enfer. Beaucoup de choses sont communes entre les méchants et nous, parce que le lieu est le résultat de la fortune ; mais pas la cause non, parce que dans les mêmes choses, nous nous comportons tout différemment. Dans l’adversité, les bons brillent par la patience, tandis que les méchants rugissent d’impatience. Leur gloire est de ce monde car ils sont marqués par le péché.

Conclusion

« Il est venu parmi les siens et les siens ne l’ont pas accueilli » (Jn 1, 11) : Jésus a donné sa vie pour l’humanité, pour l’Église. Après s’être prostituée aux Baal, elle ne supporta pas qu’il lui demandât de revenir à l’amour de sa jeunesse et le crucifia. Le disciple n’est pas plus grand que le maître (Lc 6, 40 ; Mt 10, 24 ; Jn 13, 16). Continuons, malgré les persécutions de notre Sainte-Mère rendre témoignage à LA Vérité qu’est Jésus courageusement et charitablement mais sans compromission.

Date de dernière mise à jour : 08/04/2025