Pour écouter l'homélie, cliquez ici
La guérison des dix lépreux (Lc 17, 11-19)
- La lèpre du péché exclut de l’union à Dieu
La lèpre excluait de la communauté des hommes, comme le montre la vie de saint Damien de Veuster (1840-1889) à Kalaupapa sur l’île hawaïenne de Molokaï où on les reléguait et les balançait parfois à la mer sans qu’ils sussent tous nager (un très bon film en présente l’œuvre et les tribulations). La loi de Moïse excluait les lépreux : « Le lépreux atteint d’une tache portera des vêtements déchirés et les cheveux en désordre, il se couvrira le haut du visage jusqu’aux lèvres, et il criera : ‘Impur ! Impur !’. Tant qu’il gardera cette tache, il sera vraiment impur. C’est pourquoi il habitera à l’écart, son habitation sera hors du camp » (Lv 13, 45-46). Cette lèpre symbolise un état de péché très grave qui excommunie l’homme de la communion avec la Sainte Église de Dieu.
Ces dix lépreux vivaient ensemble, unis par la communauté de souffrances. Ils se tenaient éloignés encore de Jésus bien qu’ils se fussent approchés pour être à portée de voix et l’implorer. La loi évangélique ne regarde comme impure que la lèpre intérieure du péché, et non celle qui n’est qu’extérieure. Honteux (on regarda longtemps la lèpre comme liée à la syphilis), ils pensaient que Jésus-Christ aurait pour eux la même horreur que les autres. Ils se tenaient donc éloignés extérieurement mais s’approchèrent intérieurement de lui par leurs prières car le Seigneur est proche de tous ceux qui l’invoquent en vérité (Ps 114, 1-2).
- La foi sauve et exprime sa reconnaissance en aimant Dieu Sauveur
Les lépreux prononcèrent le nom de Jésus et éprouvèrent l’efficacité de ce nom qui signifie ‘Sauveur’. Ils implorèrent sa pitié pour qu’il guérît et purifiât leur corps, sans demander or ni argent. En l’appelant ‘maître’, ils le plaçaient au-dessus des simples mortels et n’étaient pas loin de le regarder comme Dieu. Jésus leur commanda d’aller se montrer aux prêtres car il leur revenait de vérifier si la guérison de la lèpre était véritable (Lv 14, 2-32). Il proposait donc un acte de foi puisqu’il impliquait qu’ils étaient déjà guéris à distance.
La loi ordonnait aux purifiés de la lèpre d’offrir un sacrifice en reconnaissance de leur guérison. Mais le sacrifice qui plaît à Dieu était un sacrifice de louange (He 13, 15-16) et d’obéissance : « l’obéissance vaut mieux que le sacrifice, la docilité vaut mieux que la graisse des béliers » (1 Sm 15, 22), d’humilité, de pénitence : « si j’offre un sacrifice, tu n’en veux pas, tu n’acceptes pas d’holocauste. Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est un esprit brisé ; tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un coeur brisé et broyé » (Ps 50, 18-19), au-delà des sacrifices d’animaux qui écœuraient le Père éternel : « Que m’importe le nombre de vos sacrifices ? – dit le Seigneur. Les holocaustes de béliers, la graisse des veaux, j’en suis rassasié. Le sang des taureaux, des agneaux et des boucs, je n’y prends pas plaisir » (Is 1, 11 ; cf. Am 5, 22).
Le sacrifice de purification devrait exprimer une gratitude envers celui qui fit le miracle, Dieu seul le pouvant. Au lieu de reconnaître la divinité et donc le sens réel de la vraie messianité, soit la consubstantialité divine de Jésus avec le Père, les Juifs se limitèrent à une vision humaine, trop humaine. Seul le Samaritain revint glorifier Dieu auprès de Jésus, comme dans un processus de conversion, sauf que les pieds exprimaient un mouvement du cœur et de l’âme. En se prosternant à ses pieds, sa proskynèse démontre qu’il croyait que Jésus était Dieu. Lui, le mal-né car provenant de la Samarie à la religion mêlée de paganisme, méprisé par les Juifs qui se croient purs et donc meilleurs que leurs voisins samaritains, était plus proche de Dieu car il se laissa toucher intérieurement, comme pris aux entrailles, contrairement au neuf ingrats qui n’eurent que la surface de leur peau touchée par la grâce divine.
- L’Église purifie tous les croyants pour faire l’unité du genre humain
Ces lépreux formaient une exception car le Seigneur envoya vers les prêtres ceux-là seuls de tous les miraculés guéris. Le sacerdoce des Juifs fut la figure du sacerdoce dans l’Église. Le Seigneur guérit et corrige par lui-même tous les autres vices dans l’intérieur de la conscience. Mais le pouvoir d’instruire et de sanctifier les âmes fut donné à l’Église, par l’administration des sacrements et l’enseignement dans la prédication ou le catéchisme.
Les Gentils que Pierre vint trouver, avant d’avoir reçu le sacrement de baptême, qui nous fait parvenir spirituellement jusqu’aux prêtres, furent purifiés par l’effusion de l’Esprit Saint (Ac 10, 44). Tout fidèle qui, dans la société de l’Église, possède la doctrine de la foi dans sa vérité et dans son intégrité, et qui n’a pas été souillé par les taches si variées de l’erreur comme par une lèpre, et qui par un sentiment d’ingratitude pour le Dieu qui l’a purifié ne se prosterne pas humblement à ses pieds, est semblable à ceux dont parle saint Paul : « puisque, malgré leur connaissance de Dieu, ils ne lui ont pas rendu la gloire et l’action de grâce que l’on doit à Dieu. Ils se sont laissé aller à des raisonnements sans valeur, et les ténèbres ont rempli leurs cœurs privés d’intelligence » (Rm 1, 21).
En allant trouver le prêtre, Notre Seigneur invitait à l’humilité, comme lorsqu’on confesse ses péchés, en reconnaissant sa faiblesse, mais qu’on reçoit avec consolation la parole divine de l’absolution qui nous porte à des œuvres plus parfaites. Or, si la foi sauva celui qui s’était prosterné pour rendre grâces, l’infidélité perdit ceux qui négligèrent de rendre gloire à Dieu pour les bienfaits reçus. Le Sauveur démontra ici par les faits ce qu’il avait enseigné dans la parabole précédente que la foi s’augmente et s’accroît par la pratique de l’humilité.
Conclusion
Le Christ montre deux attitudes (Lc 17, 11-19) : reconnaissance des Samaritains et ingratitude des Juifs, également destinataires des bontés divines. Le Christ vint unir le genre humain dans la commune adoration d’un unique Père, faire des ennemis séparés par une profonde inimitié des frères : « le Christ est notre paix : des deux, le Juif et le païen, il a fait une seule réalité ; par sa chair crucifiée, il a détruit ce qui les séparait, le mur de la haine ; il a supprimé les prescriptions juridiques de la loi de Moïse. Ainsi, à partir des deux, le Juif et le païen, il a voulu créer en lui un seul Homme nouveau en faisant la paix » (Ép 2, 14).